Pourquoi faut-il défendre à tout prix
les heures de cours de 55 minutes ?
Une tentative de déréglementation au lycée Cormontaigne
Depuis des décennies, partout en France, les heures de cours font 55 minutes. Or le dernier Conseil d’Administration du lycée Cormontaigne de Metz, sur proposition du Proviseur, a eu l’idée étrange de vouloir réduire cet horaire à 50 minutes.
Cette diminution du temps d’enseignement que, fort heureusement, nous avons mise en échec, aurait été inacceptable. Cela serait revenu à faire perdre dès la rentrée jusqu’à 2 heures de cours chaque semaine aux élèves !
Il ne faudrait surtout pas penser que cette réduction horaire aurait été un cadeau, certes empoisonné pour les élèves, qui aurait diminué l’obligation réglementaire de service des professeurs.
Des expérimentations délirantes dans plusieurs académies
On peut par exemple lire, sur le site de l’académie de Poitiers :
« Pour des raisons matérielles ou pédagogiques (éloignement des salles de cours, allègement de journées… etc.) le conseil d’administration peut-il décider de réduire l’heure de cours de 55 minutes à 50 minutes… ? Aucun texte ne précise plus la durée d’une « heure » de cours et celle-ci peut en théorie être de 55, 50, 45… minutes.
Si l’on souhaite aller en deçà des 55 minutes, il devient nécessaire de prendre en compte d’une part les textes officiels énonçant les horaires hebdomadaires requis pour les programmes et d’autre part le service horaire des enseignants, les uns et les autres comptant en heures effectives.
Il est donc possible de réduire la durée du cours à 50 minutes mais en gardant à l’esprit que, logiquement autant que légalement, une heure de cours devra alors être ajoutée tous les 6 cours à l’emploi du temps de la classe. »
Pour le dire encore plus clairement, d’après un rectorat, en passant à des heures de cours de 50 minutes, un enseignant devrait 3 séances hebdomadaires en plus des 18h statutaires d’un certifié. (Voire un peu plus, si l’on pousse cette logique absurde jusqu’au bout.) Mais une séance de quoi ?
Au collège Montaigne d’Angers, a bien eu lieu une telle expérimentation. Là, on n’a pas fait dans le détail : les cours sont carrément passés de 55 à 45 minutes, mais comment le temps restant a-t-il été employé ? Sans surprise, on a devancé les groupes de besoins, on a multiplié les « co-animations » fumeuses (français-musique, langues-arts plastiques…), on a même demandé aux enseignants de participer à un « accueil du matin », de 7h45 à 8h20, destiné à ce que les élèves « se détendent avant leur premier cours, régulent leur comportement et se rassurent (sic) auprès d’un adulte lorsque le travail n’a pas été fait ou terminé ». Dans les faits, cet accueil du matin s’est le plus souvent transformé en surveillance de cour. Enfin, même les promoteurs de cette expérimentation le reconnaissent, cela a multiplié les postes partagés.
Une logique de déréglementation globale
Disons-le d’emblée : la circulaire de 1976 qui fixait la durée d’un cours à 55 minutes a bel et bien été abrogée en catimini, en même temps que la moitié des autres circulaires en vigueur au 1er décembre 2009.
Ce n’est pas un hasard ! Cela s’inscrit dans un vaste plan de détricotage des normes, des statuts et des horaires disciplinaires, à l’œuvre depuis de – trop – nombreuses années, et dont les personnels sont toujours les perdants.
Voici plusieurs années déjà, un rapport de l’Inspection Générale concernant l’emploi du temps des lycéens ne cachait pas ses ambitions :
« Certes, les heures traditionnelles sont progressivement réduites pour laisser place aux innovations, mais elles constituent toujours la base du calcul des obligations de service des professeurs. Ainsi de nombreux enseignants et beaucoup d’élèves s’arc-boutent sur la défense du bon vieux temps.
Une autre stratégie, plus radicale peut-être, mais sûrement plus efficace aurait cherché à transformer les disciplines et leur temps traditionnel de l’intérieur et non à leur périphérie…
La seule manière de faire évoluer le problème serait sans doute de remettre en cause la structure classique du temps scolaire consacré à l’enseignement des disciplines : annualisation, crédits horaires globalisés sur un cycle, remise en cause des sacro-saintes 55 minutes. »
On ne saurait être plus clair : le but ultime est ici de diminuer les horaires disciplinaires au profit d’« innovations ». Pour y parvenir, il faudrait mettre à bas le statut des enseignants et la durée des cours.
Fort de tous ces éléments, le SNFOLC 57 est intervenu à plusieurs reprises auprès de l’Inspecteur d’Académie, garant de l’égalité républicaine. Après de nombreux atermoiements, après s’être abrité derrière une consultation du service juridique, et suite à notre insistance, celui-ci a fini par nous donner raison.